batteries or not batteries

Dans une installation hors réseau, les batteries sont inévitables. Et pas le choix : toutes faites de matières polluantes voire très polluantes, ou encore contenant des ressources critiques ou en passe de l’être.

Alors quid ? Faut il rester sur le réseau ?

Voici mon analyse, peut être un brin teintée d’une recherche de déculpabilisation à laquelle, finalement, je n’échappe pas moi non plus.

Quel choix de batteries peut on faire ?

Les batteries au lithium, ont l’inconvénient… d’être bourrées d’avantages. À la fois légères et efficaces, leur usage se développe rapidement. C’est un inconvénient parce qu’avec elles on a fait passer, encore une fois, la charrue avant les bœufs : on vend ces batteries avant d’être capables de les recycler. Le lithium n’est quasiment pas recyclé, il est plus économique d’utiliser du « neuf ». Seuls quelques autres composés problématiques comme le cobalt sont plus efficacement triés, c’est déjà ça. Et avec l’explosion de la demande, le lithium sera vite une ressource critique.

Dans ce contexte, avec un atout majeur de légèreté, ces batteries devraient être réservées aux applications de mobilité, pour lesquelles elles sont la clé. Et encore à minima, certainement pas dans la débauche des voitures électriques : il y a 300 kg de batteries dans une Renault Zoé et 600 kg dans une Tesla, contre 3 kg dans un vélo électrique. Deux poids deux mesures. Et en aucun cas elles ne devraient être dans des installations d’autonomie d’habitation où le critère du poids est secondaire.

Pour mon tricycle, j’ai atténué le dilemme en choisissant des batteries Lithium/fer/phosphate. Ce type de batterie lithium est sensiblement plus lourd que les batteries lithium les plus efficaces, les lithium /nickel /cobalt /manganèse qui se généralisent sur vélos et voitures électriques. Par contre elles durent trois fois plus longtemps et ne contiennent pas de matériaux polluants ou critiques excepté le lithium bien sûr.

Des évolutions de batteries miracle sont annoncées inlassablement. La dernière en date remplacerait le lithium par le sodium, abondant dans le sel de mer. Alléchant, sauf qu’il est impossible de savoir de quoi sont faites les électrodes, ce qui n’est pas bon signe. Donc rien de concret n’est là aujourd’hui.

Et les alternatives aux batteries ?

Air comprimé, hydrogène, volants d’inertie… toutes ces techniques se développent, sans être vraiment abouties à ce jour. Sous des théories simples, chacune a ses petits défauts chroniques qui les mettent assez loin derrière les performances des batteries, aujourd’hui du moins. Et surtout, à ma connaissance, il n’existe pas de système commercialisé pour des petites installations domestiques, et ces dispositifs sont très techniques et délicats à autoconstruire.

Restent les batteries au plomb.

Là c’est l’inverse du lithium, le recyclage est au point, la filière est là depuis longtemps. Et recycle, selon ses dires, 99 % de la batterie. Le plomb est un matériau toxique s’il se promène dans la nature ou dans un estomac, s’il est correctement recyclé il n’a pas de raison d’être considéré comme tel. Son extraction reste polluante, c’est donc l’augmentation des besoins qui pose problème, puisque si le marché ne bouge pas il peut être satisfait par le recyclage des anciennes batteries. Et si l’installation de batteries dans les habitations se généralise, il y a de quoi augmenter considérablement le besoin global de plomb, d’où l’importance d’arriver à faire des installations à minima de batteries. Et même si ça semble irréel aujourd’hui, l’idéal serait d’aller chercher le plomb là où il est déjà extrait, c’est à dire dans les batteries de voitures ! Elles absorbent 80 % de la production, d’où l’importance de trouver des alternatives à ce moyen de transport de démesure, qui se permet de transporter 15 kg de plomb pour seulement démarrer le moteur. Quel cycliste se permettrait de mettre 15 kg sur son porte bagages pour juste faire le premier coup de pédale du trajet ? Un autre usage du plomb, à la fois non recyclé et polluant parce que rejeté dans la nature, est le plomb des munitions. Imaginez un monde où, pour permettre l’autonomie en électricité, on interdirait voitures et munitions… oui, je sais, je rêve.

Alors, quel bilan pour le recyclage ?

Bon, recyclé c’est bien joli, mais à quel prix ? Le plomb ne finira pas dans la poubelle, mais invariablement son recyclage coûtera de l’énergie. Et cette énergie proviendra de combustibles qu’il faudra extraire et qui finiront dans une poubelle insidieuse et ô combien problématique : sous forme de co2 dans l’atmosphère, ou au choix sous forme de déchets inapprochables pour quelques dizaines de milliers d’années. La question du bilan se pose, à savoir le rapport entre l’énergie solaire que stockent ces batteries pendant leur vaillant service et celles qu’elles consomment comme combustibles pour leur recyclage.

Les chiffres disponibles sur ce bilan sont maigres, si vous avez je suis preneur. Et d’une façon générale les chiffres que l’on trouve sur l’énergie grise manquent d’explications et même parfois, à mon goût, de cohérence (1).

Alors essayons d’approcher ce calcul nous mêmes.

Prenons par exemple, une batterie plomb AGM, classique en installation solaire, de 165 Ah sous 12V. Elle a une capacité de 165 x 12 = 1980 Wh ou encore 1,98 kWh, arrondissons à 2 kWh. Donnée pour 750 cycles à 50 % de décharge, cela veut dire que elle délivrera à chaque décharge 2 kWh x 50 % = 1 kWh, et ce 750 fois, ce qui nous fait 750 kWh stockés puis délivrés dans sa durée de vie.

Cette batterie pèse 49 kg, ce qui fait que chaque kilo de batterie, c’est à dire peu ou prou chaque kilo de plomb puisque le plomb est de très loin le matériau le plus lourd de la batterie, stocke 750/49= 15 kWh sur sa durée de vie. Cela veut dire aussi que chaque kWh prélevé sur les batteries « consomme » 1kg/15 = 0,067 kg, soit 67g de plomb. C’est loin d’être anodin !

Essayons maintenant d’estimer combien d’énergie serait nécessaire pour recycler ce kilo de plomb.

En premier lieu, il faudra le faire fondre, au moins une fois. Le plomb à un point de fusion à 327 °, et une chaleur massique de 129 joules / kg .°k. en vous épargnant les quelques multiplications et conversions d’unité (2), il faut 11 Wh (soit 0,011 kWh) pour faire fondre 1 kg de plomb, soit 10 fois moins que pour porter à 100° 1 litre d’eau ! Ce sont des chiffres théoriques minimum, bien sûr il y a des pertes au passage, n’empêche que ce résultat étonnamment bas fait que la fusion du plomb ne plombe pas son recyclage.

Ensuite il y a le transport. Pour l’estimer, c’est facile. Un camion de 38 T à la capacité de charger 25 T de plomb, ou de plumes éventuellement. s’il consomme 50 l/100 à pleine charge, 1 kWh d’énergie permet de transporter notre kg de plomb sur 5000 km (3). Pas besoin d’aller si loin à priori, des usines de recyclage il en existe en France. Mettons 1000 km aller retour en camion, et notre kg de plomb à consommé 200 Wh, ou 0,2 kWh, de transport.

Bien sûr il y a d’autres postes de dépense d’énergie, du broyage, de la séparation de matériaux. Déjà les deux postes à priori les plus importants font bien moins de 1 kWh. En les comparant aux 15 kWh solaires stockés, Il semble évident que les combustibles investis dans la fabrication ou le recyclage des batteries sont récupérés et au-delà à l’usage des batteries. Il y a un effet démultiplicateur, tout à fait similaire à celui des panneaux solaires qui restituent bien plus d’énergie que celle nécessaire à leur fabrication.

Et cet effet démultiplicateur est encore démultiplié. Je m’explique : aujourd’hui le réseau est alimenté par des centrales thermiques, qui ont besoin de 3 kWh de chaleur pour fabriquer 1 kWh d’électricité. Si chaque kilo de batterie stocke15 kWh d’électricité , il évite 15 kWh prélevés sur le réseau, qui eux ont demandé 15 x 3 = 45 kWh de combustibles divers et variés pour leur fabrication, et générant des déchets plutôt avariés.

Ajoutons à cela qu’une installation complètement autonome se dispense de centrales électriques, de lignes électriques, de transformateurs. Autant de pollutions en moins, de charges en moins pour la collectivité.

Il est possible de se passer de batteries : une installation en autoconsommation solaire utilise en quelque sorte le réseau en guise de batteries. L’attitude à l’usage est la même, pour optimiser il faut essayer d’utiliser le plus possible directement ses panneaux solaires. Évidemment les surplus de production sont réinjectés dans le réseau qui profite de ces kWh. À priori donc se sevrer du réseau  est un acte plutôt négatif sur le plan de la collectivité. La nuance, et là je vous invite à essayer de vous couper du réseau en hiver pour l’apprécier, c’est qu’il faut gérer soi même et avec une grande rigueur sa consommation les jours de manque de soleil, c’est à dire les jours de temps de cochon où les besoins de chauffage et d’eau chaude sont au maximum. Ce sont ce qu’on appelle les jours de pointe sur le réseau. Pour ces quelques jours par an, il faut maintenir un nombre suffisant de centrales pour éviter la fatidique coupure. C’est comme comme si on roulait dans des voitures qui ne peuvent absolument pas s’arrêter, pour lesquelles il faudrait des autoroutes démesurément larges pour éviter le moindre bouchon les pires jours de trafic d’été, ou aux pires heures de trafic de la journée (4). L’autoconsommation n’incite pas à baisser sa consommation les jours de pointe, donc n’avance pas sur ce casse tête essentiel de la production d’électricité.

Maintenant que me voici bien déculpabilisé de mes batteries pleines de matières polluantes, ce n’en est pas pour autant épanouissant pour un écolo forcené d’utiliser des matières dont l’extraction laisse autant de nuisances derrière elles. En attendant l’alternative miracle, la démarche doit rester en avoir le moins possible et les faire durer le plus longtemps possible, c’est à dire les utiliser le moins possible.

Pour cela, la quête d’une optimisation de la consommation reste le maître mot, d’autant que la marge de progression est énorme. Un coût dérisoire de l’énergie  a amené beaucoup de gaspillages insidieux (tels que les courants de veille) qui pourraient être supprimés sans rien changer à notre petit « confort moderne ». Et baisser sa consommation équivaut en même temps à avoir plus de batteries et plus de panneaux solaires.

Tout bénef, non ?

 

 

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_grise#%C3%89nergie_grise_de_diff%C3%A9rents_mat%C3%A9riaux Sur Wikipédia, on trouve : bois d’œuvre 180 kWh/m³, bois lamellé collé 2200 kWh/m³, soit 12 fois plus pour le bois lamellé collé. Dans le bois d’œuvre il y a la récolte, le transport, le séchage, le sciage. Le bois lamellé collé n’est qu’un empilement de planches, soit la même chose que le bois d’oeuvre, avec du sciage supplémentaire et du collage.

Avec ma scie d’atelier,  une coupe de 75 mm sur 3.1m de long consomme 43 Wh. 75 mm c’est 0.075m, sur 3.1 m la coupe fait 0,075 x 3,1 = 0.23 m².  et 43Wh/ 0.23 m² = 187 Wh/m². Pour schématiser, on va imaginer couper un cube de bois de 1m de côté, soit 1m3, en tranches de 10 mm d’épaisseur. Cela fait 100 tranches de 1m x 1m, soit i m² par tranche, donc cela fait 100 m² de coupes à faire. 100 m² x 187 Wh/m² = 187000 Wh, ou encore 18,7 kWh. Tout ça pour faire des tranches plutôt fines pour du lamellé collé. Donc notre surplus de coupe par rapport à l’énergie grise du bois d’œuvre est plutôt de 20 kWh par m3, et non 2020 kWh/m3 (soit 2200 kWh/m3 – 180 kWh/m3). Cela fait un écart de l’ordre de 1 à 100. Bon, quand on est dans un bureau, on n’a pas forcément une scie d’atelier sous la main pour vérifier ses chiffres.

Et si ce chiffre est juste, alors il faut interdire d’urgence les pellets : leur trituration est bien plus importante, le bois est broyé en menus morceaux puis fortement compressé ( de plus en plus les pellets ne sont pas issus de sciure, mais de souches ou de petits bois broyés, quand ce ne sont pas des arbres entiers). Comme les pellets contiennent 2500 kWh/m³, leur énergie grise serait supérieure à l’énergie qu’ils donnent en brûlant.

(2) 1 Kj = 0,277 Wh. Nos 129 J font 0,129 Kj, et 0,129 x 0,277 = 0,0357 Wh.

Pour fondre à 320° il faut élever la température de 300° (en partant de 20°) ce qui fait 0,0357 x 300 = 10,7 Wh par kg de plomb.

(3) il y a 10 kWh d’énergie dans 1 litre de gazole. 50 Litres aux 100 c’est 50 x 10 = 500 kWh pour 100 Km, soit 5kWh/km, qui déplacent notre charge de 25 tonnes, soit 25000 kg. Donc 25000/5 nous donnent 5000 km par kg et par kWh. Et ceci est un ordre de grandeur valable pour tout ce qui se déplace en camion.

(4) Image utilisée par Grégory Lamotte, que je me permets de reprendre car je l’ai trouvée particulièrement bien sentie.