L’exploitation des forêts vit une intensification sans précédent, notamment pour l’usage du bois pour l’énergie.
Cette intensification génère déjà des dérives flagrantes, comme les coupes rases en forêt ou comme la démesurée centrale électrique de Gardanne.
A l’origine de cet engouement et de ces dérives, il y a un argumentaire qui pare le bois énergie d’étonnantes vertus, puisqu’il serait un combustible écologique, abondant et en prime issu de déchet.
Ces vertus sont pourtant extrêmement décriées dans le milieu scientifique mondial, alors qu’en France nous restons noyés sous un discours qui reste au beau fixe sur les propriétés du bois.
La question est pourtant de taille, puisque si on enlève ces vertus au bois et qu’on rajoute dans la balance les omissions du débat, il passe sans transition du statut de combustible providentiel à celui du combustible le plus dangereux pour le climat.
Voici, point par point, pourquoi il serait temps de remuer ces vérités acquises.
1 – les disponibilités de la forêt sont dérisoires par rapport à nos besoins en énergie ;
4 – L’énergie contenue dans le bois est à la base une énergie qui sert à faire vivre la biodiversité ;
6 – l’électricité thermique (biomasse, fossiles, nucléaire) a un bilan énergétique accablant par rapport au solaire et à l’éolien. Faire de l’électricité avec du bois n’a pas de sens, y compris avec cogénération.
Conclusion : La forêt est notre plus précieuse alliée contre le dérèglement climatique. Nous devrions donc la laisser s’étaler, l’exploiter le moins possible et en aucun cas brûler ses produits. Un enfant comprendrait ces principes issus du simple bon sens, les adultes agissent à l’inverse. Pourquoi ? Derrière cette attitude paradoxale, il y a tous les symptômes d’une dépendance à l’énergie qui a viré à la toxicomanie.
VOICI L’ESSENTIEL DE CES 6 POINTS :
1 – LES DISPONIBILITÉS DE LA FORÊT FRANÇAISE : article complet et sources ici
Selon les données de l’étude ADEME « disponibilités forestières à l’horizon 2035 », la disponibilité supplémentaire en bois d’énergie, serait de 10 Millions de m³ par an. (Mm³/an).
Notre consommation actuelle de chauffage, si elle devait être assurée par du bois, demanderait 130 Mm³/an supplémentaires.
Notre consommation actuelle d’électricité, si elle aussi devait être assurée par le bois, demanderait 500 Mm³/an supplémentaires.
Et plus globalement, ces 10 Mm3 représentent 0.8 % de notre consommation totale d’énergie primaire, qui est l’équivalent de 4 Tonnes de pétrole par français et par an.
Notre consommation d’énergie est gigantesque, là est le vrai problème. Aujourd’hui la disponibilité en bois énergie ne permettrait qu’une avancée imperceptible dans la transition énergétique. Par contre, une conversion au bois énergie avant d’avoir drastiquement réduit nos besoins ne peut être que très préjudiciable à la forêt.
Quand bien même il y aurait un intérêt à convertir notre énergie au bois, la conversion est prématurée. L’heure serait à mettre des quotas sur l’exploitation de la forêt plutôt qu’à inciter à développer son exploitation. En d’autres termes aujourd’hui on subventionne une éco-déforestation programmée.
2 – LE BILAN CARBONE DU BOIS :
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Le bois est, à énergie produite égale, plus émetteur de co2 que le charbon, pour ses émissions directes, mesurées « à la cheminée ».
Pourquoi ?
C’est la même réaction chimique qui fournit l’énergie, que l’on brûle du bois ou que l’on brûle des fossiles. Le classique « CH + O2 donne CO2 + H2O + énergie », c’est à dire que l’énergie de ces combustibles est emmagasinée dans leur carbone, et c’est précisément la fabrication de CO2 qui fournit l’énergie. Aucun de ces combustibles « carbonés » n’échappe à cette règle. Certains sont plus concentrés en énergie que d’autres, et manque de chance le bois est le moins doté de la liste, donc émet plus que les autres.
Le bilan carbone avantageux du bois est basé sur un simple calcul arbitraire : ses émissions réelles ne sont pas totalement prises en compte. En gros, puisque l’arbre repousse, ses émissions « ne comptent pas », alors qu’elles sont comptabilisées au plein tarif pour les énergies fossiles. Le principal avantage écologique du bois tient donc dans un calcul fait « en sous main », dans la plus grande opacité, c’est le cas de le dire.
Manque de chance là aussi, ce calcul soulève beaucoup de contestation dans le milieu scientifique mondial, et reçoit même des qualificatifs évocateurs « d’arnaque » ou de « mythe ». les enjeux de ce calcul sont de taille, puisqu’il propulse le combustible le plus émetteur au rang de combustible providentiel. Les enjeux économiques sont énormes, puisque ce calcul dope la filière bois. Notre confort est aussi un enjeu, puisque ce calcul nous promet une douce chaleur écologique. L’enjeu qui devrait être majeur, c’est le climat et la forêt. Et à ce niveau d’enjeu, vu qu’il y a au moins débat, la moindre des choses serait d’appliquer le principe de précaution.
Essayons d’appliquer quelques règles de simple bon sens pour sentir à quel point ce calcul est contestable :
Que l’on brûle du charbon ou du bois, la forêt pousse quand même, et capitalise de toutes façons du carbone. Ainsi il est facile de démontrer que la simple conversion au bois aujourd’hui n’avance à rien sur le bilan carbone.
Le temps de cycle du bois a beau être incomparablement plus court que celui des fossiles, il n’empêche que la seule règle devrait être laisser au bois le temps de cycle le plus long possible. C’est ce temps de cycle qui permet le stockage de carbone. Brûler la matière est la meilleure façon de réduire son temps de cycle. Ce qui nous importe est d’avoir du stock, l’usage est de comparer des flux, qui ont des vitesses différentes donc ne sont pas comparables.
Et ce n’est pas tout pour le bilan carbone désastreux du bois : après l’exploitation du bois, l’équilibre du sol forestier est modifié, entraînant un relargage de co2 par les sols. Cela correspondrait à une quantité de co2 équivalente à celle émise par la combustion.
Il est insensé de brûler des fossiles, matière séculaire dont le co2 est à jamais émis dans l’atmosphère. Il est tout aussi insensé de brûler de la matière vivante, qui augmente encore plus le co2 atmosphérique, qui détruit l’énergie de la vie et qui consume un poumon régulateur du climat.
3 – LE RÔLE DE LA FORÊT SUR LE CLIMAT :
Nous savons que l’arbre joue un rôle crucial sur le cycle de l’eau, lui même fondamental pour la régulation du climat. Ces influences ont été démontrées localement pour des cas de déforestations importantes, alors que l’exploitation de la forêt suivie d’une replantation reste perçue comme anodine pour le climat. Pourtant chaque arbre est un artisan de cette régulation, et entre l’arbre adulte qui est coupé et le jeune qui le remplace les prestations environnementales sont complètement différentes.
Ces prestations sont en rapport avec la surface d’échange de l’arbre avec l’extérieur : elle est de l’ordre de 200 ha pour un grand arbre, sans commune mesure avec celle d’un jeune arbre.
Pour aller à l’essentiel, l’arbre a deux pouvoirs fondamentaux sur le climat.
Le premier : en été, les racines de l’arbre vont chercher l’eau en profondeur, et la libèrent dans l’atmosphère, sous forme de vapeur d’eau. Cette eau absorbe de la chaleur en s’évaporant, ce qui rafraîchit l’arbre et ses environs. Cette eau se condense dans les zones fraîches, en libérant la chaleur qu’elle a absorbé. L’arbre permet ainsi de limiter les écarts de température d’une zone à l’autre.
Le deuxième : l’arbre émet aussi des molécules, des composés organiques volatils, qui s’élèvent dans le ciel. Ces molécules, en altitude, servent de support à la création de gouttelettes d’eau, par condensation.
Entre l’eau que l’arbre a renvoyé dans le ciel et ces supports de condensation, l’arbre a le pouvoir de créer des nuages, ce qui refroidit la planète, tout en créant de la pluie, ce qui restitue l’eau qui a été envoyée dans le ciel.
Ce n’est qu’un infime échantillon des rôles biologiques connus de l’arbre, et ne doutons pas qu’il en reste beaucoup à découvrir.
Il est ainsi très réducteur de considérer que le rôle de la forêt sur le climat se limite au stockage de carbone. Ces rôles biologiques pourraient même avoir un effet largement supérieur sur le climat à celui du simple stockage de carbone.
La laisser pousser serait l’exploiter pour le plus précieux qu’elle peut nous donner : la régulation du climat.
4 – BOIS ET BIODIVERSITÉ
Nouveau petit rappel des bases de la biologie et de la chimie : la réaction chimique qui a lieu quand on brûle un combustible carboné, qu’il soit bio ou fossile, est exactement la même que celle qui donne l’énergie de la vie à tout être vivant de cette planète.
C’est encore une fois CH + O2 donne CO2 + H2O + énergie.
La matière végétale a le pouvoir de renverser cette réaction, via la photosynthèse, et c’est elle qui crée ces matières à base de carbone et d’hydrogène. Le bois est fait à plus de 99 % d’un mélange de carbone, hydrogène, oxygène. Les combustible fossiles sont aussi issus de la photosynthèse, puisqu’ils proviennent d’une matière vivante qui a échappé à une décomposition classique.
La photosynthèse crée du glucose, un sucre, qui a la base nourrit le végétal. De la modification et de l’agglutinement de ce glucose dérive toute la matière qui compose la plante.
Quand la plante se décompose, cette matière carbonée retourne sous forme de co2 en nourrissant les xylophages, d’abord champignons ou encore insectes. Et à leur tour ces créatures nourrissent une chaîne alimentaire.
Donc, le bois qui pourrit est du bois qui nourrit.
Et ainsi le bois comme toutes les bio énergies sont labellisés combustibles écologiques alors que ce sont les seuls combustibles qui brûlent directement au détriment de la biodiversité.
Étrange conception de l’écologie.
5 – LES DÉRIVÉS DU BOIS :
Laine de bois, OSB, lamellé collé… ces matériaux, présents dans la quasi totalité des maisons à ossature bois, peuvent être obtenus avec des petites sections de bois, ou avec des sous produits de scierie : bref, ce que l’on appelle « déchet » et qui légitime l’usage dégradé du bois pour l’énergie. Et il existe des moyens de faire des matériaux de construction 100 % naturels utilisant la moindre miette de bois.
Le broyage pour le bois d’énergie est à la fois la facilité, et à la fois répond à un marché potentiel énorme. Il est aujourd’hui officiel que le bois d’énergie tend à cannibaliser le bois d’industrie, et il est largement constaté sur le terrain la dérive qu’il cannibalise aussi le bois d’œuvre traditionnel.
L’arrêt des fossiles suppose aussi le danger d’une conversion massive de la construction en matériaux classiques vers la construction bois : le béton, la brique, l’acier, sont des matériaux très consommateurs d’énergie et dépendants des fossiles.
En d’autres termes, aujourd’hui on se chauffe en brûlant nos maisons de demain.
Quant aux théories qui nous promettent de sauver le climat en construisant en bois, elles sont aussi très optimistes. D’abord, il faut savoir que seul le tiers de l’arbre est valorisé en bois d’œuvre traditionnel, le reste est brûlé pour de l’énergie. Concrètement donc, construire en bois aujourd’hui c’est déstocker les deux tiers du carbone stocké en forêt. Les autres omissions sont les rôles d’un arbre vivant sur le climat, le relargage de co2 par les sols forestiers ou encore l’énergie grise parfois très importante qui accompagne la transformation du bois. Et le bilan climatique d’une construction bois est peut être bien au final comme celui du bois énergie : pire que l’équivalent issu des fossiles.
6 – LE BILAN ÉNERGÉTIQUE ACCABLANT DE L’ÉLECTRICITÉ THERMIQUE
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Le rendement des centrales à biomasse est d’environ 30 %, ce qui est peu ou prou le rendement de l’électricité thermique (charbon, nucléaire…), hors centrales à cogénération ou centrales à cycle combiné.
Il faut savoir que le rendement comparable à ce chiffre serait de 1000 % pour les panneaux solaires, et 2000 % pour les éoliennes : c’est le rapport entre l’énergie qu’ils fournissent sur leur cycle de vie et l’énergie qu’ils ont consommé réellement, celle nécessaire à leur fabrication. Parce que une fois fabriqués, ils produisent gratuitement, contrairement aux centrales thermiques qui, elles, consomment de l’énergie pour chaque kWh d’électricité produite. Cette notion de base est la grande oubliée de la comparaison des différents moyens de produire l’électricité !
En quelque sorte, faire de l’électricité thermique c’est rouler avec une voiture qui consomme 180 litres au 100 quand on en a une qui consomme 6 litres/100 et une autre une qui consomme 3 litres/100.