L’eau chaude solaire dans son plus simple appareil

Bon, je reconnais être un tantinet aguicheur dans ce titre. Mais il n’est pas faux : c’est bien une solution simplissime et, en prime, d’une efficacité redoutable.

Sa simplicité bien sûr a des contreparties. Elle n’est pas à efficace à 100 % du temps, lacune classique sur les chauffe eau solaires d’ailleurs, et elle demande nettement plus de manipulations que de tourner un simple robinet, ce que par contre les chauffe eau solaires classiques savent, pour le prix, vous offrir.

Cela dit, la douche qui coule interminablement c’est certes très confortable, mais c’est une gabegie d’énergie. Une douche rapide (5 minutes, 30 litres) c’est 1 kWh, soit l’équivalent de 200 km à vélo si vous deviez pédaler pour chauffer l’eau. Donc l’eau chaude a une grande valeur mésestimée, et la faire couler depuis un robinet est source de gaspillage. Ce robinet est peut être bien tout simplement à l’origine de la complexité du problème de l’eau chaude solaire.

Voici donc cette « fameuse » installation. Mais qu’est-ce donc ?

De simples tubes noirs pleins d’eau, exposés au soleil sur un support. Mais pas n’importe quels tubes : des tubes sous vide, qui sont spécialement conçus comme composants de chauffe eau solaires classiques. Donc ce n’est que la partie active d’un panneau solaire « à tubes sous vide », sans les tuyaux, pompes, échangeurs, fluide caloporteur, réservoirs, régulateurs, risques de fuite ou de gel et pardonnez moi si j’en oublie.

Un tube sous vide, c’est en fait deux tubes en verre insérés l’un dans l’autre. Le tube intérieur est noir pour absorber le rayonnement du soleil, le tube extérieur est transparent, pour laisser passer ces mêmes rayons.

Et entre les deux tubes il n’y a rien, on dit qu’il y a du vide parce que rien ça ne se dit pas. Et ce vide donne des propriétés isolantes remarquables, ce qui fait que la chaleur rentre mais ne ressort pas, ou si peu. Et lentement mais sûrement, ces tubes font de l’eau très chaude, même sous un soleil blafard, par un froid de canard, sans le moindre miroir.

Alors concrètement, ce ne sont que les jours très nuageux où les tubes ne finissent pas avec de l’eau suffisamment chaude pour une toilette. Ce sont en gros les jours où mes panneaux photovoltaïques délivrent moins de 1 kWh. Ces jours dans le sud de la France il y en a une trentaine par an. Donc de l’eau suffisamment chaude il y en a environ 3 jours sur 5 en hiver, 9 jours sur 10 printemps/automne et tous les jours en été. Cette répartition est assez fonctionnelle, c’est aussi quand il fait chaud qu’il est plus difficile de faire l’impasse sur la toilette.

Il y a une vingtaine de tubes, contenant 1,4 litres chacun. Ce qui fait presque une trentaine de litres d’eau qui, les jours de soleil, est bouillante en journée et refroidit lentement la nuit pour se retrouver tiède au petit matin.

Bon, mais on l’utilise comment cette eau qui ne coule pas au robinet ?

On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, proverbe breton particulièrement adapté à notre situation. Donc puisque cette eau n’a pas tout un attirail pour la faire circuler ce sera à nous de le faire, en « récoltant » l’eau des tubes et les re-remplissant d’eau froide dans la foulée. Un tube rempli d’eau froide arrive à 60° en une heure environ et devient bouillant en 2 à 3 heures.

L’eau bouillante étant peu recommandée pour une douche, il convient d’ajuster sa température en diluant avec de l’eau froide comme on faisait (il y a longtemps bien sûr) avec l’eau du bain. Donc pour la douche ces quelques tubes une fois dilués peuvent fournir une profusion d’eau chaude.

Ensuite pour pour transformer cette eau chaude en douche, il existe bon nombre de douches portables de camping allant du rudimentaire comme des vessies à suspendre jusqu’à des systèmes très proches de votre douche habituelle avec une douchette au bout d’une pompe électrique qui puise dans un bidon. Mais dans tous les cas on gère une certaine quantité d’eau, profusion ne veut pas dire illimité.

Pour ma part j’ai choisi une option intermédiaire à pression préalable, du type de la photo, que je me suis bricolée à partir d’un pulvérisateur de jardin en lui greffant un pistolet d’arrosage toujours de jardin.

Eh oui, non seulement il faut charrier l’eau mais en plus il faut pomper. À la remarque systématique « c’est beaucoup de manipulations » je réponds parfois que faire son jardin ou sa cuisine c’est beaucoup de manipulations pour avoir ce qui s’achète dans le commerce. Mais la saveur n’est pas la même. Croyez le si vous voulez, mon eau chaude 100 % solaire sortie d’un dispositif aussi simple a une saveur inégalable. Pour la ressentir il faut quand même un degré assez élevé d’allergie aux gaspillages de ce monde, je vous l’accorde.

Autre usage qui est d’ailleurs l’usage principal de cette eau, c’est la lessive. Le but étant de remplir la machine d’eau chaude afin d’éviter que ce soit la résistance électrique qui la chauffe.

Un lave linge a un détecteur de niveau d’eau : s’il a son quota d’eau (une vingtaine de litres) il n’ajoute pas d’eau froide. On peut donc faire des lessives à l’eau brûlante si besoin, sans le moindre appoint électrique. Une lessive consomme ainsi 0,1 kWh, une paille à côté d’environ 1 kWh si l’électricité doit chauffer l’eau. La chaleur est un poste aussi important qu’insidieux de consommation d’énergie.

Avec les machines « tout automatique » il faut parfois les bluffer : ayant une machine qui pèse le linge, il faut attendre la fin du cycle de pesage pour la remplir par le tiroir destiné à mettre la lessive. Ensuite, sans rien faire de plus (pour une fois!) l’eau froide du réseau assure le rinçage.

Avoir de l’eau brûlante, tant qu’on ne se la met pas sur les doigts, est aussi extrêmement pratique pour la cuisine. Pour café et tisanes, c’est presque toujours prêt ou préchauffé. Pour cuire un plat dans l’eau, il n’y a plus de préchauffage : on peut verser l’eau des tubes sur les pâtes ou les lentilles (où tout ce que vous voulez).

En conclusion, ces simples tubes peuvent fournir l’essentiel des besoins en eau chaude, avec des inconvénients mais aussi des avantages, comme la disponibilité d’eau bouillante qui ouvre le champ à d’autres usages. Parmi les inconvénients, j’ai évoqué les nombreuses manipulations, et omis que la base est d’avoir un endroit exposé au soleil pour les mettre. Luxe qui devrait pourtant être un droit, vaste débat. L’inconvénient qui m’est le plus regrettable dans ces tubes c’est la disponibilité inconstante d’eau chaude, alors j’ai travaillé à cette lacune, toujours en essayant de rester dans un dispositif simple et encore une fois avec l’agréable surprise d’ouvrir le champ à d’autres usages… mais pas au bout d’un tour de robinet.