les évolutions de 2022… et un peu 2023.

Nous en étions restés l’an dernier sur un proto roulant, mais avec encore de grosses lacunes.

L’année entière a été consacrée à revoir la copie, pour finalement tout redessiner, pas une pièce n’a échappé à une retouche. Du coup tout le dispositif de positionnement pour la fabrication a dû être refait lui aussi. Par contre l’architecture globale est conservée, le procédé de fabrication aussi. On garde ce qui va bien !

Donc l’année écoulée a ressemblé fortement à celle d’avant, je ne vais pas vous refaire le même feuilleton.

Un des objectifs du projet est d’en faire un produit « clonable », des fois que j’arrive à faire un engin que quelqu’un d’autre que moi ait envie d’utiliser. Cela suppose avoir des plans précis, mais aussi que sa fabrication soit simple et peu onéreuse sinon à quoi bon pouvoir reproduire un objet dont personne ne voudra parce que trop cher ?

Et le problème est ardu, puisque l’objet sera forcément dans un premier temps de production artisanale locale et verra son prix comparé à celui de la production de masse chinoise, tout ça avec un engin chroniquement compliqué.

Vous avez eu un aperçu l’an dernier du procédé sur lequel je mets tous mes espoirs, la tôle découpée laser puis pliée. Cette année j’ai généralisé ce procédé, en essayant d’exploiter le plus possible ses propriétés.

À peu près tout le châssis est en kit dans ces caisses, 185 pièces de tôle acier découpées en 72 références différentes, pour 500 Euros TTC, prix incluant la matière et la découpe. Pas donné bien sûr, mais très raisonnable par rapport au nombre de pièces et à la qualité du travail.

Pour vous montrer que ce procédé facilite bien la suite des opérations, je vais vous faire la notice de montage d’un seul élément, sachant que tout le véhicule pourra être assemblé avec un mode d’emploi similaire.

L’élément témoin sera les barres de direction droite et gauche, parmi les pièces les plus biscornues.

Au départ, deux pièces de tôle à la découpe improbable. Sur elles des traits et des chiffres, qui sont des lignes de pliage et des angles de pliage.

Et voici nos tôles pliées selon les pointillés. La même pièce de tôle avec un pliage symétrique fait la droite et la gauche. J’ai fait ces pliages, c’est une opération simple qui peut aussi être confiée à une entreprise, je n’ai pas de chiffrage pour cette opération.

Deux autres tôles, qui sont la face inférieure des barres.
pliage en cours,
pliage terminé.

Les faces inférieure et supérieure s’assemblent une fois pliées, les trous correspondent et des vis à tôle viennent à la fois les positionner entre elles et les maintenir en place.

La boite ainsi faite contient une empreinte qui vient se positionner sur un tube de 30mm de diamètre, une vis auto-perceuse (flèche) vient l’immobiliser à la bonne place.

Le tube est découpé en place, à la disqueuse classique. La boite sert de guide de découpe.

Sur l’autre extrémité de la boite il y a l’empreinte d’un tube de 18mm de diamètre, qui lui a été découpé avec précision au tour à métaux. La pièce qui a une trace blanche est une butée qui sert à positionner la boite au bon endroit sur le tube, et la vis auto-perceuse vient bloquer le tout.

Et voici deux barres de direction qui sont prêtes à aller chez le soudeur. Ce sont des tôles fines et des tubes « aviation » de 1mm d’épaisseur, il faut un sacré tour de main et un poste à souder de qualité pour faire cette soudure, donc un soudeur professionnel est vivement recommandé.

N’empêche qu’avec ce procédé une pièce d’une grande complexité peut être réalisée rapidement. Non seulement la découpe évite un grand nombre de fastidieuses opérations manuelles, mais en plus les pièces peuvent souvent se positionner d’elles mêmes, avec précision et sans ossature pour les maintenir en place . Et si les pièces sont livrées avec le pliage tout fait, c’est principalement un travail d’assemblage et de vissage, comme un meuble en kit. Donc tout peut être auto-construit avec un outillage ordinaire d’atelier, très peu d’opérations par rapport à la complexité des pièces… et beaucoup de patience.

Mais au fait, pourquoi une pièce aussi biscornue ? Parce que le logiciel m’a dit que si je voulais pouvoir tourner court et pencher fort, il fallait cette forme. Et ceci n’est qu’un aperçu des casse tête que cette conception m’a demandé de résoudre, joyeusement qui plus est.

J’ai promis que cette année je vous le faisais bref, alors voici juste un aperçu du châssis tout assemblé sur son gabarit de positionnement,

Le même châssis, mi-janvier 2023, enfin chez le soudeur,

Puis dans la foulée à l’étape peinture, à l’aérographe pour pouvoir viser juste.

L’araignée prend forme,

Et voici l’heure de l’impitoyable verdict de la balance, comparaison entre les deux versions à un stade comparable, avec siège, direction, suspensions. Comme l’an dernier, l’engin a pris quatre kilos avec les fêtes de fin d’année.

Et je vous entends dire, vous qui voyez un vélo dans cet engin affublé de pédales : 26,5 kg, quel poids monstrueux pour un vélo sans roues et sans transmission !

Alors regardons plutôt ce « vélo » comme un engin à moteur. Il n’a pas de sens à exister sans moteur. Et quel est le poids d’un engin à moteur, dans la catégorie de ceux capables de faire à peu près confortablement quelques dizaines de kilomètres, donc sans parler de trottinettes à moteur ? Les plus légers scooters, les 50 cm³, font environ 100 kilos en ordre de marche. Un scooter 3 roues ? 250 kilos, jusqu’à 300 même. Ce qui est un poids commun pour une moto. Dès qu’on passe à 4 roues, tout s’envole : 500 kilos pour une « petite » Twizy, 800 kilos pour une Smart, plus de 2 tonnes pour les 4×4 et les grosses voitures électriques.

Mon engin pèsera au final dans les 65 kilos, avec moteur et batteries, mais aussi une protection intégrale contre la pluie, un coffre, et même sa propre centrale de production d’énergie.

Alors si vous m’autorisez, je dirais que cet engin a un poids ridicule dans un monde des transports motorisés qui s’est laissé aller à un embonpoint démesuré. Ridicule pour son poids, mais pas par sa fonctionnalité et son agrément de conduite.

Mine de rien, comprendre que je pouvais et même que je devais me sortir de l’objectif d’avoir un poids rivalisant avec celui d’un vélo a été un long chemin et ainsi j’ai plutôt recherché sur ce nouveau proto la fiabilité et la rigidité qui seront bien plus utiles au quotidien. Le gain de poids on verra plus tard, rassurez vous j’ai des pistes.

Bon, on roule ?

Nous voici prêts pour le baptême. Les premiers tours de roue ont été de suite très satisfaisants, le gain de rigidité se ressent nettement sur la conduite. Les sensations en courbe sont grisantes et la suspension marche à merveille.

Alors on valide, et maintenant tous les accessoires de carrosserie de l’ancien proto sont transférés sur le nouveau, ce qui fait qu’extérieurement il semble que rien n’a changé.

Et déjà les premiers ajustements. Le dossier est une nouveauté de ce proto, il est fait de lattes de lit articulées en sorte de pouvoir en ajuster la courbure. Un besoin, car aucun siège ne semble adapté à cette position de pédalage assis. Les sièges pour pédaler couché voûtent le bas du dos et l’angle de l’assise ne convient pas une fois le dossier relevé. Il faut donc rechercher les bons réglages avec un siège sur lequel tout est ajustable.

Je m’aperçois que le dos doit aussi être calé latéralement, pour « faire corps » avec la bête. Le dossier plat aurait été plutôt adapté à un tricycle qui ne penche pas, pour au contraire pouvoir déplacer le corps latéralement dans les virages. Alors je remplace par des lattes en alu que je peux courber.

Sur cette photo devinette vous voyez 3 trous, qui correspondent à 3 réglages différents d’angle de chasse, l’angle du pivot de direction qui permet de choisir entre un engin stable et un engin maniable. Je n’avais pu tester jusqu’à présent que les 15°, déjà un peu supérieurs à ce qui se fait habituellement sur les tricycles « vélos » tout en pressentant qu’il fallait encore un peu plus. La position 23°, associée à un bon graissage des pivots de direction, a eu un effet miraculeux. L’engin manquait encore un peu de stabilité en ligne droite, avec une grande réactivité à la moindre action sur le guidon. Cela demandait une vigilance constante et une grande habitude. Le gain de rigidité avait sensiblement amélioré la donne, ce réglage a fini de tout remettre en ordre. Le cap en ligne droite est impeccable et se tient tout seul, ce qui donne une conduite bien plus reposante. La maniabilité est paradoxalement restée excellente. On est maintenant sur un comportement routier beaucoup plus proche de celui de la petite moto que de celui du vélo.

Par contre pour cette position le châssis n’est pas optimisé et on retrouve quelques soucis de rigidité. N’ayant plus besoin de ce réglage, je m’active aujourd’hui à redessiner cette partie en sorte de corriger les défauts. Je le fais joyeusement, car maintenant je sais que cet ensemble est viable sans avoir de profondes modifications à faire.

Le dernier point à mettre au point est le vrai gros handicap de cet engin, à savoir résoudre l’appréhension de la prise en main. Un peu tout est à découvrir dans les premiers tours de roue, la position, les commandes, la façon de diriger. Et tout ça avec un engin « d’un certain poids » qui menace de tomber. Il faut être motivé.e pour se lancer !

Là aussi l’avancée est significative. Le dispositif de blocage d’inclinaison semble enfin résister aux efforts qu’on lui demande et apporte une butée ferme et efficace. En limitant l’amplitude de l’inclinaison, il est maintenant possible de faire ses premières armes sans risque de tomber, sous réserve de ne pas faire d’excès de conduite.

Comme promis de longue date, il faut maintenant essayer de rendre cette butée rassurante avec un soupçon d’électronique bienveillante. Vaste programme qui tient dans une phrase.

La saison 1 du feuilleton s’achève avec une base enfin valide après 10 ans d’essais. Passons aux fioritures dans la saison 2.